Un salarié risque le licenciement pour s’être adressé aux représentants du personnel !

Un prestataire de Renault travaillant au Technocentre depuis 10 ans contacte par mail une dizaine de responsables syndicaux (CGC, CFDT, CGT, SUD …) mardi 15 mars 2016. Il les informe de la possibilité d’organiser des projections du film Merci Patron (il est bénévole pour le journal Fakir). Il propose que ces projections soient suivies de débats en présence de représentants syndicaux, notamment dans le cadre de la journée de mobilisation du 31 mars 2016. Le lendemain, ce prestataire est convoqué par le PDG de la société pour laquelle il travaille, EURODECISION. Il l’informe que ce mail lui a été transmis par une personne travaillant chez Renault, et qu’on lui demande de lui faire quitter le site au plus vite.

Des rapports féodaux entre Renault et ses prestataires

Renault constitue une part importante du chiffre d’affaires de la société EURODECISION. Au risque de perdre un tel contrat, elle emploie les grands moyens : elle convoque le salarié pour un entretien préalable avec une mise à pied à titre conservatoire, pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave… Pour l’envoi d’un mail !

La CGT intervient auprès de la direction du Technocentre !

Interpellée par le salarié, la CGT est intervenue immédiatement auprès de la direction du Technocentre pour contester le caractère illégal de la procédure. Mais aussi, plus essentiellement, pour protester contre l’atteinte aux droits sociaux fondamentaux de tous les salariés à pouvoir solliciter les organisations syndicales et leurs représentants. De la même manière, la CGT a mis en exergue la nature des rapports féodaux entretenus par Renault (donneur d’ordre) avec les prestataires sommés d’obéir. 

Du licenciement pour l’envoi d’un mail… à l’avertissement !

Lors de l’entretien préalable du 25 mars, le prestataire est accusé de rupture de la charte de bonne conduite et de protection du système d’information mentionnant que « l'utilisation des ressources du système d'information n'est autorisée que dans le cadre de l'activité professionnelle » et que « la messagerie ne doit pas servir à véhiculer des informations de nature politique ou religieuse ou, de façon plus générale, sans rapport avec l'activité ».  Il est ainsi sanctionné par un avertissement (tout autant contestable) au motif d’avoir « utilisé des moyens internes de Renault mis à votre disposition dans le cadre de votre mission, à savoir l'Intranet et la liste des adresses électroniques des salariés de Renault, pour assurer l'envoi de votre courriel politique du 15 mars 2016 ».

Interdiction de contacter les représentants syndicaux

La Direction argumente que les salariés ont été saisis individuellement, et que c’est leur droit de ne pas vouloir recevoir ce type de mail, tout en omettant de dire qu’il s’agit de salariés représentants du personnel. A cet effet, la Direction prend appui sur la plainte qu’aurait faite un des représentants des salariés, censés représenter la catégorie Cadre. De plus, elle argumente qu’il est interdit de contacter les salariés avec des messages politiques, ce qui est faux ! En définitive, la Direction ne supporte pas qu’un salarié, qui plus est, un prestataire, puisse prendre contact avec une organisation syndicale, c’est une remise en cause des libertés fondamentales, c’est-à-dire de la liberté d’expression ainsi que du droit syndical. Les adresses mail utilisées (renault.com) sont celles indiquées par les organisations syndicales sur leurs sites et leurs tracts.  Les adresses de l’entreprise sont toutes construites sur le même modèle (préCette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.), ce qui rend très simple de contacter un salarié, même si on ne travaille pas pour l’entreprise.

L'obstination de la direction

L’intervention de la CGT va contraindre Renault à ne pas engager de procédure de licenciement à défaut d’assise légale. La sagesse aurait pu clore cette affaire. Mais c’était sans compter l’acharnement de Renault à vouloir en découdre coûte que coûte ! Aussi, la direction de la société EURODECISION engage une deuxième procédure concernant l’enregistrement de la conversation qu’elle a eue avec le prestataire lors de l’entretien du 16 mars. Cet enregistrement a été diffusé sur Internet par Fakir. A cet effet, il lui est notifié une procédure de mise à pied conservatoire avec un autre entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.

Une situation absurde juridiquement

Juridiquement, la situation est totalement illégale puisque la procédure de mise à pied conservatoire doit être justifiée par une faute grave, préalable au prononcé de cette mise à pied, et rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Selon la Cour de Cassation : « La faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (Cour de cassation, 27 septembre 2007) ; « La faute commise par le salarié ne peut être qualifiée de grave que si elle a eu une répercussion sur le fonctionnement normal de l’entreprise » (Cour de cassation, 9 janvier 2013).